Vacances au Lac Bras d'Or

 


Même si ça faisait trois semaines qu’on avait quitté Québec, c’est en arrivant en Nouvelle-Écosse qu’on a commencé à se sentir vraiment en vacances. La fatigue et le stress des préparatifs des derniers mois se dissipaient et on pouvait enfin profiter de notre voyage. On arrivait maintenant dans un territoire nouveau à explorer.

 

On a commencé par trois jours de congé à Baddeck, à l’entrée du Lac Bras d’Or, où notre programme a essentiellement consisté à se baigner, se baigner et se baigner. Il y avait une petite île dans la baie où se trouvait une très jolie plage de sable, parfaite avec les enfants. Nous y sommes allés tous les après-midis pour se rafraîchir pendant ces journées de canicule. Nous avons passé trois nuits ancrés tranquillement dans la baie, puis nous nous sommes offerts le luxe d’une nuit à quai, où nous en avons profité pour se brancher et recharger nos batteries, remplir nos réservoirs d’eau, prendre une douche (chaude) et faire du lavage. De petites choses qui peuvent paraître absolument normales, mais qui sur un voilier deviennent extraordinaires. On a tout de même été déçus de constater qu’il n’y avait aucun services offerts à la marina : l’électricité et l’eau étaient chargés en extra, il n’y avait pas de douche, il fallait utiliser la douche municipale (gratuite pour tout le monde, donc on aurait pu y aller même en étant à l’ancre) et on devait se rendre à la buanderie du village à 10 minutes de marche pour faire notre lavage. En quittant Baddeck, nous étions prêts à nous aventurer dans les nombreuses ramifications du Lac Bras d’Or, à commencer par le Canal Saint-Patrick.

 

Camping flottant

Être à l’ancre, c’est un peu comme être en camping, mais sur l’eau. On navigue quelques heures par jour, on profite du paysage, on se trouve un bel endroit à l’abri du vent pour passer la nuit, on se baigne en arrivant pour se rafraîchir et on n’a pas à se soucier que la casserole du souper se renverse. C’est très différent pour nous qui sommes habitués à faire de très longues distances sur le fleuve, où on peut difficilement s’ancrer car il y a peu d’endroits appropriés. Mais le Lac Bras d’Or est idéal pour ça et c’est très agréable d’en profiter. Être à l’ancre, ça veut aussi dire qu’il faut prendre notre annexe (un petit zodiac gonflable) pour se rendre à terre, que ce soit pour faire des courses ou juste pour aller se dégourdir les jambes. C’est quand même du boulot à chaque arrêt pour la mettre à l’eau (et la remonter après). Puis il faut faire attention à notre consommation d’électricité, éviter le grille-pain, le micro-onde, limiter l’utilisation des lumières et notre accès internet (très énergivore). C’est aussi prendre sa douche à l’eau froide (même s’il fait chaud, c’est vraiment raide…) Bref, un mode de vie plus rustique, mais on s’en accommode pleinement.

  

Le canal Saint-Patrick

Au sud de Baddeck, le canal est peu habité, nous étions entourés de montagnes et de forêts. Il s’agit d’un petit bras séparé du lac comme tel et nous voulions aller à son extrémité. Avant de partir, nous avions vérifié les prédictions pour le vent, qu’on annonçait à 10 nœuds, avec des rafales à 17 nœuds. Après quelques jours à la plage (et des frissons en sortant de l’eau), on avait pu constater que les rafales étaient nombreuses et persistantes. On s’attendait donc à avoir autour de 15 nœuds de vent en moyenne, ce qui est juste parfait. On avait décidé de garder notre ris déjà pris dans la grande voile (rappelez-vous notre traversée en Nouvelle-Écosse), moitié par paresse, moitié à cause des rafales annoncées justement. Notre trajet a donc été caractérisé par des vents extrêmement variables allant de 6 à … 22 nœuds! On se trouvait donc constamment sous-voilé ou sur-voilé. Mais comme ni l’un, ni l’autre ne durait très longtemps, on a décidé de garder les voiles comme elles étaient. (On était contents d’avoir gardé le ris pour les pointes à 22 nœuds.) Nous nous sommes d’abord ancrés à West Cove, une petite baie protégée, cachée derrière MacInnis Island. Nous étions seuls au monde dans cet endroit pratiquement désert, à part les trois maisons que l’on pouvait apercevoir. Ulysse a été le plus courageux de tous et il est sauté à l’eau en arrivant. (Nous on avait trop la flemme d’aller se mouiller!) On a passé une nuit vraiment paisible, dans le silence de la nature. Même les enfants se sont levés tard le lendemain! On passe la matinée à se baigner autour du bateau, cette fois il fait tellement chaud que tout le monde se jette à l’eau. Puis on repart en après-midi pour aller tout au bout du canal, à Whycocomagh. On a eu du mal à s’ancrer, on a dû s’éloigner de la rive pour se mettre devant Indian Island, où notre ancre s’est finalement accrochée. On prend l’annexe pour aller se promener un peu à terre. Il n’y a pas grand-chose dans cette partie du village, sauf un café, fermé, et on réalise qu’on a manqué son ouverture d’une quinzaine de minutes seulement. Ça fait quand même du bien de marcher.

 


 

Le lendemain, on remonte le canal pour retourner à Baddeck, qui se trouve sur notre chemin pour nous rendre dans les autres parties du lac. On fait une navigation tranquille à voile avec seulement le génois ouvert au complet. On avance tout doucement, on n’est pas pressés, mais en fin de journée, le vent est définitivement tombé et on finit par partir le moteur pour terminer le trajet. Il fait tellement chaud, on a hâte d’arriver pour sauter à l’eau! Il y a beaucoup de voiliers déjà ancrés dans la baie, on doit se tailler une place à travers. Une fois l’ancre jetée, personne ne se fait prier pour aller se mouiller!

 

Jour de pluie

Après cette journée de chaleur torride, chargée d’humidité, l’orage éclate en soirée. On aperçoit une pluie d’éclairs au loin, le spectacle est toujours impressionnant à regarder. Avant d’aller se coucher, on réalise qu’on est trop proche du bateau voisin, on doit aller s’ancrer plus loin. C’était une manœuvre délicate pour lever l’ancre, sans accrocher l’autre bateau. Le tout sous la pluie, pour terminer de nous rafraîchir après avoir eu tellement chaud pendant la journée. Je finis tout de même par avoir froid et je vais mettre mon imper. On doit se reprendre deux fois avant d’arriver à s’ancrer comme il faut. Le fond de la baie est normalement constitué de vase, ce qui permet de bien s’accrocher, mais là on était dans les cailloux et le bateau chassait sur son ancre. On est finalement retournés tout près d’où on était, en prenant un peu plus de distance. Il était presque minuit lorsqu’on est allés se coucher, on s’est endormis sitôt la tête posée sur l’oreiller.

 

On pensait ne dormir qu’une nuit à Baddeck et repartir aussitôt vers le canal Saint-Andrew, après avoir pris une bonne douche. Il pleuvait à boire debout au réveil le lendemain matin. Faire 15 minutes d’annexe pour se rendre à terre, arriver tout trempés à la douche et revenir au bateau en étant tout aussi trempés, ça ne nous tentait pas trop. Naviguer toute la journée sous la pluie ça ne nous tentait pas trop non plus. On décide d’attendre et de voir si le temps s’éclaircit. Finalement, vers 10h30, le soleil se décide à nous rejoindre. On en profite, on met l’annexe à l’eau et on se rend à terre. On a quelques courses à faire dans le village et on en profite pour s’arrêter prendre une collation à la boulangerie. Il est déjà midi et on n’a pas envie de se presser pour partir. On décide de rester pour la journée et on amène les enfants à la plage dans l’après-midi car il fait encore très chaud. 

 

Grosse averse encore pendant la nuit. J’avais oublié les serviettes, maillots et autres vêtements mouillés que j’avais mis à sécher sur le pont. Ils étaient littéralement détrempés le lendemain matin. Mais au moins il ne pleuvait plus. Normalement, lorsqu’on navigue, on ne laisse pas de vêtements accrochés sur les filières du bateau. D’une part, ça arrive qu’ils s’envolent, ou alors ils se font éclabousser tout le long du voyage, et donc ils ne sèchent pas du tout. Mais là ils sont tellement mouillés qu’ils dégouttent encore et en plus je n’ai pas de place pour tous les suspendre dans le bateau. Comme il n’y a vraiment pas beaucoup de vent et qu’on n’en annonce pas de la journée, on décide de partir avec. Le soleil commence à sortir, ils auront peut-être le temps de sécher en route. Au pire, si le vent se lève, on se dépêchera de les enlever. On a donc l’air d’une corde à linge flottante lorsqu’on quitte la baie.

 

East Bay

On décide de sauter notre visite dans le canal Saint-Andrew et de nous rendre tout de suite dans East Bay, où on prévoit s’arrêter à la marina de Ben Eoin. Petite navigation peinarde à moteur (il n’y a vraiment pas eu de vent de la journée). J’ai barré presque tout le voyage, environ 4h sur les 5h30 du trajet. Je suis rendue pas mal bonne pour suivre une route sur le GPS, même si j’aime beaucoup plus naviguer à vue. Mais bon, mon capitaine veut que je me pratique… (et en mer, on n’a pas de repères visuels pour voir où on se dirige, donc un point pour lui.) On arrive à la marina de Ben Eoin en fin d’après-midi, où on reçoit vraiment un accueil chaleureux. On vient nous dire bonjour à quai et on nous apporte en même temps toutes les informations utiles, le code de la porte, le mot de passe du wifi, la liste des services disponibles, wow! La marina est toute petite, située à l’écart du village, donc pas d’épicerie proche, mais elle super bien équipée. Un grand salon des marins, une cuisine, une buanderie, des salles de bain immenses et de très grandes douches. Le luxe! Les gars passent la soirée à jouer et courir sur le grand gazon devant la capitainerie. (Pendant que je termine mon article de blogue sur notre traversée vers la Nouvelle-Ecosse.) On savoure la soirée.

 

Le lendemain, corvée de lavage, et hop on repart en après-midi pour aller s’ancrer dans un chapelet de petites îles qu’on avait remarquées la veille. Nous avions un bon vent de face, mais cette partie du lac est assez large pour tirer des bords. Lorsqu’on navigue de longues heures en mer, on garde souvent très longtemps la même amure et il n’y a pas beaucoup de changements de voiles à faire. Lorsqu’on remonte le vent, on fait des virements de bords, ce qui nous permet d’avancer en zig zag. C’est là qu’on se fait des bras, à tirer sur le génois et à « wincher » pour bien le border à chaque changement d’amure. Mais c’est un bon entraînement et on a eu beaucoup de plaisir à parcourir la petite distance qui nous séparait de notre ancrage. Évidemment, comme on n’avance pas en ligne droite, c’est beaucoup plus long! Au moment où on arrivait derrière MacPhee Island, où on souhaitait s’ancrer, le moteur a encore surchauffé. Sauf qu’on ne l’avait pas utilisé de la journée! On venait juste de le partir pour nous permettre de nous ancrer et on ne l’avait pas fait forcer. Daniel coupe aussitôt le moteur. Ça ne semble pas aussi grave que la dernière fois aux Îles-de-la-Madeleine. On ressort la trinquette, notre petite voile derrière le génois et on finit par s’ancrer à voile uniquement. Cette fois, un autre voilier est déjà installé dans la petite anse, nous ne sommes pas les seuls à avoir remarquer l’endroit pour s’arrêter! Autour de nous, hormis les habitants des deux voiliers, aucun signe de civilisation humaine, pas de maison, de routes, ni même de poteau électrique. Ais-je besoin de préciser que nous avons passé une autre nuit paisible sur l’eau? Le lendemain, Daniel vérifie le moteur qui semble rouler rondement. Il ne trouve rien qui cloche et tout fonctionne bien. Pour l’instant, ça nous permet de repartir sans encombre, cette fois en direction du « Great Lake », le cœur du lac. Les enfants ont pu se baigner avant de partir, c’est ce qu’ils préfèrent quand on est à l’ancre en plein cœur de la nature, juste descendre du bateau pour se mettre à l’eau. On se dirige tranquillement vers le sud du lac, où on prendra par la suite le canal St. Peters pour sortir du Lac Bras d’Or. 

 

 

MacNabs Cove

Juste avant de quitter Baddeck la première fois, nous avons fait la connaissance de Sébastien et Monique, un couple québécois/néo-écossais établi depuis deux ans dans la région avec leur fils de 9 ans. Ils nous invitent à les visiter à MacNabs Cove, où leur voilier est ancré. On note le nom et on se dit qu’on va essayer de s’arrêter. C’est vers là qu’on se dirige en partant de notre ancrage dans East Bay. On envoie un petit message pour dire qu’on arrive, mais on ne sait pas s’ils vont être là. On ne sait pas s’ils habitent à cet endroit ou si c’est juste leur voilier qui s’y trouve. On tente notre chance, dans tous les cas ce sera un bel endroit pour s’arrêter et s’ancrer pour la nuit. On pensait dire bonjour et repartir le lendemain, mais finalement on est resté trois jours…

 

Après une belle navigation de 5h, nous apercevons les bouées qui balisent l’entrée de MacNabs Cove. On voit une belle maison bleue perchée sur le haut de la falaise et on s’est dit « wow elle est magnifique! » On imagine la belle vue que les habitants doivent avoir. Lorsque nous sommes dans la baie, on voit deux personnes dévaler la colline et chevaucher une planche à pagaie pour se diriger vers nous. On reconnaît Sébastien, accompagné de son fils Samuel, qui viennent à notre rencontre. Sébastien nous a vu arriver de loin par la fenêtre de son salon, il a vérifié sur Marine Traffic pour vérifier que c’était bien nous, puis il s’est précipité vers la baie pour nous souhaiter la bienvenue. Tu parles d’un accueil chaleureux! Aussitôt ancrés, un peu plus loin que leur voilier MaRay, Ulysse et Achille sautent à l’eau et font la connaissance de Samuel, qui deviendra instantanément un super ami. Nous n’avons pas croisé beaucoup d’enfants depuis notre départ de Québec, ils sont assurément heureux d’avoir quelqu’un de leur âge pour jouer. Changement de plan, nous allons rester un peu et profiter de cette merveilleuse rencontre!

 

Sébastien et Monique nous invitent à prendre l’apéro dans leur belle maison bleue au sommet de la falaise. Un 5 à 7 qu’on étirera jusqu’au coucher du soleil sur leur terrasse. Que c’est agréable d’être en bonne compagnie! Le lendemain, promenade sur la plage et ricochets sont au programme. Samuel invite Ulysse et Achille à faire un peu de voile sur son petit optimiste. Ils sont ravis! En fin de journée, le voilier Horus vient s’ancrer dans la baie avec nous. On fait la connaissance de David et Sylvain, des amis de Sébastien et Monique. Ils arrivent comme nous des Îles-de-la-Madeleine et ils descendent passer l’hiver dans les Bahamas, on empruntera donc un peu le même chemin dans les mois à venir. Une visite à MacNabs Cove pour visiter leurs amis en chemin était incontournable. On passe une autre belle soirée dans la maison bleue, on jase de voile et de voyage, de nos aventures et mésaventures, de nos projets, nos prochaines destinations… On ne voit pas l’heure passer et il fait nuit noire lorsqu’on rentre au bateau avec notre annexe, avec pour seul éclairage la lumière de nos téléphones. Note pour les prochaines fois : prévoir une lampe de poche!

 

Samedi, jour de grisaille et de grand vent. On annonce de 30 à 40 nœuds, mais heureusement nous sommes bien protégés sous le vent dans la baie. Nous passons une journée bien tranquille dans notre ancrage, il n’y a même pas de vagues. En fin d’après-midi, on nous prête une voiture pour se rendre au Festival acadien de Petit-de-Grat qui se trouve sur l’île Madame, au sud du Cap Breton. On ne s’est pas promenés en voiture depuis les Îles-de-la-Madeleine! On est contents de découvrir d’autres parties du paysage néo-écossais. Au festival, nous profitons des nombreux petits kiosques locaux pour faire le plein de petites douceurs maisons. Miam! Nous sommes finalement de retour à la brunante, juste à temps pour rentrer au bateau avec encore un peu de clarté. Mais j’avais prévu le coup et on avait des lampes de poche cette fois!

 

C’est sur cette note joyeuse que nous avons quitté le paradis de MacNabs Cove pour nous rendre à St. Peters le dimanche matin. En voyage, nous sommes marqués par des paysages, des découvertes, mais ce sont incontestablement les gens que l’on rencontre qui demeurent nos plus beaux souvenirs… Merci pour cette merveilleuse escale!

 


 

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