Halifax by the sea
Après une courte halte à la marina de St. Peter, on emprunte le canal et l’écluse pour sortir du Lac Bras d’Or et rejoindre l’Atlantique. C’est notre première excursion sur l’océan, nos trajets se sont toujours arrêtés au Golfe du Saint-Laurent auparavant. Après deux semaines de navigation sur des eaux tranquilles, j’appréhende cette sortie en mer… C’est comme si j’avais oublié qu’on était partis pour traverser l’océan! L’éclusier nous avertit que le fleuve c’est une chose, mais la côte de la Nouvelle-Écosse, avec les vagues du large, ses falaises et ses hauts fonds, c’est autre chose…
Baptême
de l’Atlantique
En arrivant dans la baie de l’autre côté du canal, nous faisons l’heureuse
rencontre du Bluenose II, réplique exacte du premier qui orne nos dix sous.
Nous le voyons surgir devant nous, immense et gracieux avec ses voiles dehors,
un vrai bijou à regarder, comme dans un rêve. Nous assistons aux manœuvres pour
affaler les voiles, puis en s’approchant, on voit l’équipage se préparer à
jeter l’ancre. Elle est immense! Et je ne vous raconte pas le plouf que ça fait
quand ça tombe à l’eau! Nous sommes restés près d’une demi-heure à tourner
autour du fabuleux voilier et à admirer le navire et son équipage affairé. Daniel
prend un temps pour parler avec le capitaine et lui dit que nous sommes vraiment
chanceux de cette rencontre avec ce majestueux navire. Le capitaine lui répond
qu’il se trouve aussi chanceux de croiser notre superbe voilier… un petit baume
sur notre cœur avant de poursuivre notre chemin vers le large!
On a choisi notre fenêtre météo pour avoir du vent favorable et surtout pour éviter l’ouragan Ernesto qui menaçait de passer sur la Nouvelle-Écosse. Finalement il n’y a pas de vent du tout, on est obligés de faire du moteur. On a peur de manquer de diésel pour se rendre à Halifax. On fait nos calculs selon le nombre d’heures de moteur qu’on a fait et notre consommation moyenne et on a seulement une dizaine d’heures de lousse. C’est juste. On pense s’arrêter à Canso pour faire le plein, mais après vérification, ils n’ont pas de diésel à la marina. (Une chance qu’on s’est informés avant de faire ce détour de 4h!) On devrait être corrects, mais on se tape sur les doigts de ne pas avoir été plus prévoyants. On est bons pour un petit stress de plus pendant le voyage.
Avec si peu de vent, l’océan est assez calme. Bon il faut dire qu’on n’est pas très loin de la côte non plus. On a de longues vagues qui nous bercent sans nous brasser. On voit des orages sur la terre au loin, mais nous aurons seulement un peu de pluie et de la grisaille. C’est moins agréable comme navigation, mais dans tout voyage, il ne peut pas toujours faire beau, ça fait partie du lot. Je profite du calme pour me préparer une grosse cafetière en prévision de mon quart de nuit et pour le lendemain matin. (On ne sait jamais quel sera l’état de la mer plus tard!)
Au moment de mettre la lasagne du souper au four, le swell commence et le bateau se met à rouler. Ah non je n’ai pas envie d’échapper le souper par terre une nouvelle fois! Avec le souvenir du pâté chinois en tête, je prends toutes mes précautions et je nettoie le plancher de la cuisine, juste au cas… Ulysse a mal au cœur et je dois ramasser le plus gros dégât de vomi qu’on a jamais eu à bord. Beurk, je vous épargne les détails… Heureusement, je réussis à sortir la lasagne du four sans encombre.
Après le souper le vent se lève un peu et on peut sortir le génois au complet, youpi! On a ensuite droit à un gros coup de vent qui nous fait gîter à 45 degrés. Vite, on se met vent arrière et on rentre le génois de moitié. Mais 15 minutes plus tard, ce vent tant attendu disparait. Faux espoir…
Navigation
de nuit
Daniel part le radar pour la nuit car nous traversons une zone de pêche. Je me
sers un café avant de prendre mon quart afin de ne pas trop m’endormir. Toutes
les cinq minutes, je vérifie : le pilote, le vent, la vitesse et je fais un
tour d’horizon. Quand on veille la nuit, on a souvent une petite fringale. Une
grosse faim, pas juste pour manger une barre tendre ou un yogourt… on mangerait
un deuxième souper, ou un sac de chips au complet. Cette nuit-là, j’avais
vraiment envie d’une assiette de fromages et de charcuteries… mais comme je
n’avais ni l’un, ni l’autre dans le frigo, je me suis contentée de craquelins…
pas aussi satisfaisant.
La nuit, c’est long!!! Et je ne suis qu’à la moitié de mon quart. Pour passer le temps, je prends des notes en prévision de mon prochain article de blogue. (Ce que vous lisez en ce moment) Heureusement, il y a la Grande Ourse à tribord pour me tenir compagnie. Le ciel se dégage et les étoiles apparaissent tranquillement au-dessus de nos têtes, mais le côté bâbord reste très sombre. On entend des grondements de tonnerre au loin et je vois des éclairs au large. Je vérifie : le vent vient de la terre, l’orage ne vient pas vers nous. La dernière heure de veille est toujours la pire et avec la menace de l’orage, c’est angoissant. Lorsque Daniel vient me remplacer, je ne réussis pas à m’endormir profondément, mon sommeil est entrecoupé par les bip bip du radar qui nous signale chaque bouée… au moins, il fait bien son travail.
À mon réveil vers 4h du matin, alors que je me prépare pour mon 2e quart, il fait toujours noir, signe que l’été avance et que le soleil se lève plus tard. Le vent s’est levé légèrement, le génois est grand ouvert à l’avant. Il y a toujours des éclairs au loin, mais le grondement sourd du tonnerre est très faible. Vers 5h, il n’y a pas encore de soleil, mais on sent la clarté du matin qui arrive. C’est fou comme les minutes passent plus vite une fois que la lumière revient!
Après le déjeuner, une fois les enfants levés, on refait nos calculs pour le carburant et tout va bien. On a même trouvé un autre bidon de 20L qu’on avait rempli aux Îles-de-la-Madeleine en prévision de notre grande traversée. Donc plus de stress à avoir de ce côté-là. Pour nous réjouir encore davantage, une petite brise s’est levée et nous installons le tangon sur le génois. On a avancé tout doucement à voile pendant 2h, jusqu’à ce que le vent tombe à nouveau et nous oblige à repartir le moteur jusqu’à notre arrivée.
En fin d’après-midi, nous approchons enfin de la baie d’Halifax, on voit au loin l’activité du port et les édifices du centre-ville. Comme pour nous souhaiter la bienvenue, nous apercevons des dizaines de voiliers qui naviguent autour de la baie. Pour notre première nuit, nous avons décidé de nous ancrer dans le Northwest Arm, donc à l’opposé du centre-ville. Ce bras de mer est magnifique et borde les quartiers cossus de la capitale, comme en attestent les riches maisons sur le bord de l’eau, dont plusieurs avec leur propre quai (et leur bateau) au bout de leur propriété. Un autre monde vraiment… Nous traversons littéralement des champs de moorings (des bouées lestées par un bloc de ciment au fond de l’eau qui permet de s’amarrer en toute facilité sans avoir un quai). Le nombre d’embarcations dans cet étroit canal est impressionnant! On doit faire bien attention pour zigzaguer à travers ce trafic de bateaux ancrés, en plus de ceux qui naviguent. Tout au bout du bras, nous faisons un arrêt à la marina de Armdale pour faire le plein. (On ne jouera pas avec le feu quand même…) Puis on part pour s’ancrer juste à côté. Mais dans cette baie surpeuplée, c’est difficile de se trouver une place. Notre ancre refuse de s’accrocher dans le fond rocheux à l’endroit où l’on s’est faufilé. On fait du repérage autour pour se trouver une autre place pour s’ancrer, mais il semble bien que tous les bons « spots » sont occupés… On se résigne à se mettre à quai pour la nuit, c’est plus cher mais les enfants sont bien contents de mettre le pied à terre, sans avoir à attendre qu’on ait mis l’annexe à l’eau.
On a quand même fait ouf! nous aussi une fois arrivés. On n’est plus habitués à faire des 30h de navigation d’affilée! Pour un baptême de l’Atlantique, pas de vent et à moteur, c’est un peu décevant, mais on est encore qu’au début de notre voyage…
Toute la famille sur le pont pour sa première sortie dans l'Atlantique |
À l’assaut
de la capitale
Avant
de nous connaître, Daniel et moi avions tous les deux fait un court passage à
Halifax, quelques heures seulement, juste assez pour constater que c’est une
belle ville et nous donner envie d’y revenir. Et voilà l’occasion qui se
présentait, en bateau de surcroît. Arriver dans une ville par la mer, ça donne
une toute autre perspective et c’est très excitant. Après notre nuit à Armdale,
nous partons à la conquête du centre-ville d’Halifax, où l’on peut s’accoster
gratuitement pour la journée sur les quais qui longent le célèbre Waterfront.
On peut donc arriver en ville directement avec notre voilier! Comme des vrais
touristes, on part à la conquête de la promenade sur le bord de l’eau qui fait
la renommée d’Halifax. On plonge dans ce bain bouillonnant avec plaisir. Les
enfants sont ravis par l’aire de jeux et son module en forme de sous-marin,
sans parler de la vague géante que l’on peut gravir et descendre à la manière
d’une glissade. Au moment du souper, on réalise que le quai n’est vraiment pas
confortable. Chaque fois qu’un bateau passe à pleine vitesse (et il y en a
beaucoup), on se fait bardasser par une série de vagues qui nous font cogner
contre le quai. C’est pire que bien des situations d’ancrage que l’on a
connues. Alors que l’on mange dans le cockpit du bateau, on voit les passants
s’arrêter par curiosité en nous voyant habiter à bord. C’est flatteur au début,
on voit les gens qui rêvent de partir eux aussi en voilier. Mais on trouve ça
pas mal moins drôle quand un groupe de touristes se met à nous filmer pendant
notre repas. Pour l’intimité, on repassera… On ne se fait donc pas prier pour
quitter le quai et aller se mettre à l’ancre tranquillement un peu plus loin
dans la baie, à MacNabs Island. À seulement 25 minutes de navigation de la
ville, l’île nous offre un refuge dans une petite baie protégée du vent. On y
entend quelques fois des relents de musique des bateaux touristiques et nous
avons quelques vagues pendant la nuit, causées probablement par des pilotines
ou des remorqueurs qui vont à la rencontre des gros cargos qui arrivent à quai.
Mais ça n’a rien à voir avec l’agitation de la ville.
Le lendemain, retour au centre-ville pour aller au marché fermier, où l’on fait le plein de produits locaux (dont fromages et charcuteries pour combler mon envie pendant mon dernier quart de nuit). On a choisi de s’accoster à un autre quai en espérant que ça brasserait moins, mais pas vraiment finalement… On comprend pourquoi les bateaux sont peu nombreux à payer les frais pour rester à quai la nuit. On continue notre exploration du bord de mer et pour faire plaisir à Achille, nous prenons le traversier qui nous amène en face à Dartmouth. On termine la journée en prenant l’apéro sur la terrasse d’un pub écossais, comme il se doit! Mais après notre expérience de la veille, on quitte avant le souper pour aller manger paisiblement dans notre ancrage à MacNabs Island.
Après deux jours dans la foule (on n’est plus habitués), on ressent vraiment le besoin de décrocher de l’activité citadine. Ça tombe bien, MacNabs Island est un paradis pour la randonnée et on passe notre dimanche dans les sentiers de l’île, à faire le tour des vestiges de vieilles forteresses et à cueillir des mûres sauvages au passage. On a fait un bon 5 km de marche dans la journée, ça dégourdit les jambes et ça fait du bien d’être de nouveau en nature. Ulysse tente une baignade, mais l’eau est vraiment froide! C’est terminé les eaux chaudes du Lac Bras d’Or…
Randonnée à MacNabs Island |
Lundi, jour de pluie. Parfait pour aller au musée. Ça tombe bien, les enfants rêvaient de visiter le Musée maritime de l’Atlantique. En après-midi, nous quittons pour nous rendre à la marina de Dartmouth, qui se trouve un peu plus haut dans la baie. Curieusement, c’est à Halifax qu’on a le plus de difficulté à trouver un endroit pour faire du lavage. C’est la seule marina qu’on a trouvé dans le coin qui offrait ce service! Et après une semaine, on commençait à être dus… Ce fût donc notre principale occupation du mardi. Notre dernière brassée achevée, on avait bien hâte de quitter l’endroit, car même si la marina offre une belle vue sur la baie, elle est située dans une banlieue industrielle où il n’y a absolument rien à faire.
Encore le
moteur!
Le
mercredi matin, on s’apprête à repartir vers Armdale, où Daniel prévoit se
rendre chez Binnacle, l’un des plus grands magasins nautiques au Canada, situé
tout près, à 10 minutes de marche à peine. Notre itinéraire ayant changé, on
devait se trouver des cartes de la Côte est américaine pour notre GPS (ce qu’on
prévoyait faire beaucoup plus tard dans notre voyage…) On avait aussi quelques
travaux à effectuer, changer la lumière d’ancrage en haut du mât et en profiter
pour installer une nouvelle antenne VHF, à plus grande portée. On sort à peine
de la marina que notre moteur fait des siennes encore une fois et l’on doit
regagner notre point de départ pour voir ce qu’il en est. Cette fois, le diagnostic
est plus grave : la transmission s’est vidée et notre pompe à eau semble
hors d’usage… Dans cette banlieue où il n’y a rien à proximité, Daniel réussit
à prendre un taxi pour trouver les pièces dont il a besoin pour réparer la
transmission, mais pour la pompe à eau, il faut en commander une nouvelle.
On est donc littéralement restés coincés à la marina de Darmouth pendant une semaine, ce qui me semble à ce moment l’endroit le plus plate du monde. Il y a quand même quelques avantages : c’est la marina la moins chère du secteur, nous avons accès à une bonne douche tous les jours, on peut faire du lavage quand on a besoin et il y a un arrêt de bus qui passe juste devant la marina, qui peut nous amener directement au centre-ville de Darmouth ou à Halifax. Bref, on pouvait quand même sortir tous les jours pour aller faire une activité plaisante en ville. Je vous jure qu’on est devenus très bons avec les numéros d’autobus, leurs circuits et les horaires! On a continué à explorer la ville, Daniel a pu se rendre chez Binnacle, et on a pu faire les travaux que l’on voulait sur le bateau. (Ça nous a pris une journée installer le nouveau feu de navigation et l’antenne en haut du mât!)
Une semaine plus tard, une fois la nouvelle pompe à eau arrivée et installée, on est fébrile à l’idée de repartir. Enfin! Pour des marins, rester en place, c’est emmerdant un brin. Mais on est quand même inquiets de notre moteur et surtout Daniel est tanné de passer son temps à faire des réparations. Il appréhende un problème plus grave. On prend alors la décision de se mettre en quête d’un nouveau moteur, neuf ou reconditionné, qui correspond à notre budget, ce qui n’est pas une mince affaire. On retourne s’ancrer à Armdale, où c’est beaucoup plus tranquille. On passe notre vendredi à se promener dans le parc tout proche où se trouve Dingle Tower, que les garçons avaient tout de suite aperçu dès notre première entrée dans le Northwest Arm. Samedi, jour d’épicerie! Retour en voilier au centre-ville d’Halifax pour faire les courses. Même quais ballottants. On ne s’attarde pas trop une fois l’épicerie terminée. La journée est magnifique et la baie est remplie de voiliers qui profitent de la belle brise de cette dernière journée du mois d’août. On se joint à la mêlée, on hisse les voiles et on tire des bords pour rentrer à notre ancrage, même si c’est deux fois plus long. C’est tellement agréable de naviguer à nouveau! On se délecte…
Régate dans le Northwest Arm |
La suite
Ça
nous a pris quelques jours pour décider de la suite du programme. Est-ce
qu’on se faisait livrer un nouveau moteur à Halifax? On aurait tout à proximité
pour faire l’installation. Mais la perspective de rester encore plus longtemps
dans la capitale, aussi magnifique soit-elle, ne nous enchantait vraiment pas. Il
était temps qu’on bouge, que le voyage reprenne. N’ayant toujours pas trouvé de
solutions miracles pour notre moteur,
on s’est dit qu’on
allait trouver en route et
on a définitivement levé notre ancre qui
s’enfonçait dans le Northwest Arm pour partir explorer la côte sud de la
Nouvelle-Écosse et nous diriger, lentement mais sûrement, vers la côte est
américaine. C’est reparti!
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