Saba, Statia, Saint-Kitts-et-Nevis

On attendait ce nouveau départ de Saint-Martin avec beaucoup d'impatience et on avait bien hâte de mettre le cap vers Saba, petite île hollandaise aux sommets volcaniques. Déjà, quitter la marina s’est avéré houleux. Comme toujours, le vent était monté à 25 noeuds au moment de partir. Comme toujours, le nez pointu de la Vallée du Vent prenait dans le vent et  ne voulait en faire qu’à sa tête. On avait le dinghy de la marina qui nous poussait sur tribord pour nous empêcher d’aller se taper dans le bateau voisin. Nos voisins de bâbord eux veillait à éloigner le bateau de leur côté. Heureusement car sinon on serait rentré dans leur ancre en sortant de de notre emplacement. Une fois nos amarres larguées, et alors qu’on pensait que ça y est on est sortis, notre quille s'est prise dans l’amarre du bateau voisin. À force de manœuvres, et toujours avec l’aide de l’employé de la marina dans son dinghy, on a fini par se déprendre, juste à temps pour attraper l’ouverture du pont à 8h30. Ça commençait fort pour un matin de navigation après deux semaines à l'arrêt.


Une fois à l’extérieur de la baie, je m’affaire à ranger les défenses et les amarres. Les gars sont sur le pont du bateau à regarder les vagues, qui sont exceptionnellement grosse je trouve dans cette partie de la baie. Je les envoie illico chercher leur atèle pour qu’ils s’attachent. La veille, la météo prévoyait 15 noeuds de vent avec des rafales à 22 noeuds. Ce matin, on avait plutôt 22 noeuds de vent, avec des rafales à 28… La mer surtout était bien agitée avec de grandes vagues arrivant du large. Ulysse et Achille, toujours en avant, s’amusaient comme des petits fous à voir le bateau jouer aux montagnes russes dans les vagues. Une fois la grande voile dehors (avec deux ris de pris) on les a ramené dans le cockpit lorsqu’est venu le temps d’ouvrir le génois. Les deux commençaient d’ailleurs à trouver que ça brassait un peu trop… Chose rare, on les a laissés attachés dans le cockpit. On a ouvert le génois d’à peine un tiers mais c’était amplement suffisant pour nous faire filer à vive allure sur les flots.


Malgré les vagues de 2,5 à 4 mètres, tout se passait bien. Ulysse a reçu une grosse déferlante en plein sur lui, il était complètement trempé! Dans ces conditions, on navigue souvent avec au moins un des côtés de l’abri du cockpit fermé. Avec cette chaleur, on laisse tout ouvert pour laisser la brise circuler, sinon on suffoque! Aller se changer dans sa cabine aurait été un sport extrême, Ulysse est donc resté dans ses vêtements mouillés, il s’est blotti dans une serviette et s’est endormi sur une banquette du cockpit. Achille aussi était bien (trop) tranquille assis sur le banc de pilote à côté de Daniel. J’aurais dû tout de suite soupçonner que quelque chose n’allait pas en le voyant ainsi… quelques minutes plus tard, il vomissait son déjeuner partout. Le cas classique quand on reprend la mer après un certain temps. Le corps doit se réhabituer. Mais ramasser un dégât de vomi quand ça brasse, faire des dizaines d’allers-retours pour rincer sa guenille et manquer de trébucher ou de se cogner à chaque fois, c’est toujours un peu épique. Et si on est malade, c’est forcément parce que ça brasse, donc c’est toujours difficile de ramasser du vomi en mer. On a donc deux cocos pas mal molo sur le bateau ce jour-là.

 

Navigation corsée, c'est mouillé dans le cockpit!


Le vent a diminué un peu, mais la mer, elle, était toujours bien formée. C’est là qu’on a commencé à avoir un doute. Saba n’offre aucun mouillage protégé. On savait d’avance que ça allait rouler. Mais là, les bouées d’amarrage près du port d’entrée seraient directement exposés aux vagues. On se questionnait vraiment sur la possibilité de s’arrêter à l’île. Mais rendu là (on était presqu’arrivés) on a décidé d’aller voir quand même. 


L’île devant nous était majestueuse avec ses montagnes verdoyantes et ses falaises impressionnantes. On a eu la chance de voir un petit avion atterrir sur la petite piste de l’aéroport (la plus courte du monde!) On avait encore espoir d’aller faire de la randonnée le lendemain. Une fois que nous avons contourné la face est de l’île, le vent et les vagues se sont un peu calmés. Mais pas assez. Déjà, on n’a pas réussi à repérer les bouées jaunes réservées aux visiteurs. Encore là, même si on avait réussi à s’attacher à un mooring, il nous aurait été impossible de mettre l’annexe à l’eau et de se rendre à terre dans ces conditions. On a continué pour se rendre sur la côte ouest de l’île où se trouvent d’autres bouées d’amarrage. Effectivement c’était beaucoup plus calme de ce côté. Il restait un mooring de libre, on a affalé la grande voile et on est allés s’amarrer en se disant qu’on allait ensuite regarder ce qu’on allait faire. Pour faire changement, il n’y avait pas de vent lorsqu’on est venu pour s’accrocher. C’est fou comme c’est facile dans ce temps-là!


On s’était dit qu’on allait faire nos procédures de douanes en ligne et appeler  au port pour prendre des informations. Mais voilà, il n’y avait aucune connexion internet. Zéro. Un trou noir où même Starlink n’était pas accessible. (Eh oui, une telle chose est encore possible en 2025.) J’avais une rencontre pour le travail prévu cet après-midi là. Je n’ai même pas pu avertir que je ne pouvais pas me présenter. On se sent vraiment impuissants dans ces cas-là. Donc aucun moyen de communications. Aucun moyen d’aller à terre avec notre petite annexe. On ne pouvait pas non plus regarder le vent pour le lendemain. Chose certaine, il était peu probable qu’on puisse retourner s’amarrer près du port, prendre l’annexe et se rendre à terre faire la randonnée prévue. On s’est mis à la recherche de notre prochaine destination. On prévoyait aller à Saint-Kitts, mais on s’est dit qu’on allait d’abord s’arrêter à Statia qui se trouvait sur notre chemin. On allait peut-être y trouver une consolation à notre déception de ne pas pouvoir visiter Saba.

 


 

Pour l’instant, on était tranquilles. Il n’y avait pas trop de roulis. Et la vue était magnifique. On était quand même fatigués de nos 5h de navigation (on est moins endurcis faut croire!) et le petit repos était le bienvenu. Ça a des avantages de ne pas avoir de connexion internet, on est complètement déconnecté c’est le cas de la dire. On s’est fait un bon souper qu’on a dégusté dans le cockpit. Une fois la nuit tombée, les garçons éclairaient l’eau autour du bateau à la recherche de poissons. Ils étaient tout excités lorsqu’ils ont découvert un banc de gros tarpons. Ils s’amusaient avec leur lampe de poche pour les attirer, à tel point qu’on a reçu un appel sur le VHF. « Vessel with flashing lights, vessel with flashing lights » Ça nous a pris quelques secondes pour réaliser que c’était à nous qu’on parlait. Au deuxième appel, Daniel répond que ce sont nos enfants qui s’amusent à regarder les poissons. L’un des bateaux dans la baie pensait qu’on envoyait des signaux de détresse et il voulait s’assurer qu’on était corrects. Bon, jouer avec les lampes de poche, ce n’était peut-être pas une bonne idée! 

 

Au moment d’aller se coucher, c’est là que ça s’est corsé. Le swell est arrivé et le bateau s’est mis à rouler d'un côté à l'autre. C’était digne de notre ancrage à Norfolk qui nous avait gardé réveillé une bonne partie de la nuit. En tout cas l’un des pires mouillages qu’on a fait. On a quand même réussi à dormir, mais à 5h du matin, on avait hâte de partir. On avait prévu partir tôt, dès le lever du soleil on s’est mis en branle pour poursuivre notre route. À 6h40, on voguait vers Statia. On est partis en même temps qu’un catamaran qui a dû lui aussi trouver la nuit un peu dure.

 

Saba au lever du soleil

La reine Saba nous aura bien fait rêvé avec ses promesses de randonnées dans la jungle. L’île vierge porte bien son surnom (même si elle est habitée par 1900 âmes), elle reste bien souvent inaccessible. On espère que la météo sera favorable pour qu’on puisse s’y arrêter sur notre chemin du retour. D’ici là, elle restera un rêve inachevé…


Statia (Saint-Eustache)

Nous avons quitté Saba avec un vent de face. La navigation n’allait pas être plus facile que la veille. La mer s’était un peu calmée. Un peu. Nous avions quand même des vagues de 1,25 m provenant de différents directions. C’était aussi inconfortable que notre nuit au mouillage. En plus on devait naviguer à moteur. On a seulement ouvert notre petite trinquette pour aider à nous stabiliser.


Nous sommes arrivés à Statia 4h plus tard. L’ancrage dans la baie d’Oranjestad avait l’air encore pire que celui de Saba. Il y avait du swell pas possible. On s’est demandés si on restait ou si on passait notre route. La vague était moins haute qu’à Saba, mais mettre l’annexe à l’eau allait tout de même être du sport. On a laissé passer 3 grosses averses qui nous ont obligés à fermer toutes les écoutilles du bateau. Il faisait chaud et humide!!! Puis finalement, Daniel a soufflé et mis le dinghy à l’eau sans trop de mal. Installer le moteur s’est avéré plus délicat. Il n’est pas très lourd, mais ça prend les deux mains pour le transporter, ce qui est moins pratique quand il faut se tenir avec une pour ne pas tomber à l’eau. Le descendre dans l’annexe qui se faisait barouetter dans les vagues était le plus dur. On attendait le bon moment entre deux swell pour se le passer du pont à l’annexe. On était découragés à regarder le bateau monter et descendre. On s’est dit qu’on attendait 5 minutes et si l’occasion ne s’était pas présentée, on laissait tomber le projet d’aller à terre dédouaner et on continuait notre route. Contre toute attente, le bon moment s’est présenté, Daniel a attrapé le moteur et a pu l’installer, puis il s’est dirigé en ville pour remplir les formalités.


A bord, en l’attendant, ce n’était pas particulièrement confortable! On n’a toujours pas de connexion internet, mais voyant qu’il y avait un réseau cellulaire, j’ai enlevé le mode avion de mon téléphone pour utiliser ses données. À 15$/jour on essaie d’éviter, mais là j’en profite pour faire mes suivis au travail et avertir que je suis momentanément non disponible.


Lorsque Daniel est revenu, on s’est préparés pour aller marcher en ville et se dégourdir les jambes. On a découvert une île toute simple et agréable avec des gens souriants. Pas de trafic et les rares voitures qui passent roulent lentement. La récompense est belle pour tous les efforts qu’on a mis pour se rendre ici! Au bout de l’île se trouve également un ancien volcan, au cœur d’un parc national sillonné de sentiers. Ce sera notre projet du lendemain. On devrait survivre à notre mauvais ancrage pour une nuit. Celle-ci a effectivement été assez terrible merci. Daniel n’a presque pas dormi. Il faut dire qu’on n’a pas de barrière dans notre lit pour nous empêcher de tomber alors on a toujours l’impression qu’on va rouler en bas du lit. (Les enfants eux ont dormi profondément, ça en fait au moins deux!)

 

Ascension au sommet du volcan The Quill


Tel que promis le lendemain, après un bon déjeuner de crêpes aux bananes, on se prépare pour notre randonnée en montagne. On s’apporte un petit pique-nique pour casser la croûte au sommet. Puis tout le monde dans l’annexe (c’est plus calme ce matin, c’est moins épique) et hop direction la terre. On fait 40 minutes de marche dans la ville avant d’arriver à l’entrée du sentier. Il fait déjà très chaud! La végétation, timide au début, devient rapidement de plus en plus dense. Ouf! On est bien à l’ombre! Au fur et à mesure qu’on monte, même si on sue à grosses gouttes, l’air devient plus frais. On est clairement mieux en forêt qu’au gros soleil en ville ou sur le bateau. Ça nous fait toujours du bien de faire de grandes marches en nature, de se dépenser un peu, mais aussi de découvrir toute la faune et la flore des endroits que l’on visite. Dans la montagne, on croise beaucoup de chèvres, de coqs et de poules en liberté. Des bernards-l’hermite aussi, avec de belles coquilles vertes. On les voit rouler dans le sentier, c’est très comique! On arrive au sommet après une ascension d’une heure et demie. Les enfants deviennent de bons petits randonneurs! Évidemment, il se met à pleuvoir pendant notre pique-nique (c’est la loi de Murphy). On remballe le tout et on se remet en marche dans le sentier pour être plus à l’abri sous les arbres. Un peu plus bas, nous bifurquons sur un autre sentier qui descend dans le cratère du volcan, maintenant entièrement recouvert de verdure. La végétation y est paraît-il splendide. On entame notre descente, qui n’est pas très aisée avec les enfants. Fait cocasse, une poule nous suit de près depuis le début du sentier. À la moitié du chemin, on décide de remonter, les enfants sont fatigués et on ne peut les blâmer! La poule décide de nous suivre. De retour au sentier principal, nous continuons notre descente pour retourner en ville. La poule est toujours derrière nous! Elle nous suivra d’ailleurs de près pendant un bon bout de temps. Je pense qu’elle voulait qu’on l’adopte. Des œufs frais sur le bateau, ce serait bien. Mais non, elle préférait finalement rester dans sa montagne. 

 

Descente dans la végétation luxuriante du cratère

 

La sortie de la forêt en plein soleil d’après-midi a été un dur retour à la chaleur. La marche jusqu’au port était plus pénible que notre ascension sous la canopée. Malgré tout, on ne se presse pas trop pour rentrer dans le bateau qui roule dans la baie. On voit son mât au loin qui bascule de 45 degrés d’un côté à l’autre. C’est nettement plus confortable à terre! On traine un peu sur le bord de l’eau, les enfants regardent les petits poissons colorés et une raie léopard qui passe à côté du quai des pêcheurs. Puis retour au bateau. Même si le vent est tombé et que ça roule moins que la veille, ça reste un peu pénible… On passe une nuit encore pire que la veille, si une telle chose est possible.


Saint-Kitts-et-Nevis (Saint-Christophe-et-Niévès)

Pour se reposer un peu, on décide de faire un arrêt à Shitten Bay (oui c’est son vrai nom) sur l’île voisine de Saint-Kitts. On a rencontré un couple de Belges à Statia qui nous ont recommandé cet endroit tranquille. Comme on a tous hâte de prendre une douche (ce qu’on ne pouvait pas faire à Statia tellement ça brassait) et qu’on veut rattraper un peu de fatigue avant d’entreprendre une nuit de navigation vers la Guadeloupe, on décide de suivre leur conseil. Le vent venant toujours du sud-est, ce qui est assez inhabituel pour ce temps de l’année où les vents soufflent normalement toujours de l’est (ou presque), on tire un grand bord pour se rendre à destination et notre petite navigation qui devait durer 4h en a pris 7.  Mais on a fait de la très belle voile, j’ai barré un bon moment (ça faisait longtemps que je ne l’avais pas fait, la faute à notre pilote automatique…), heureusement je n’ai pas trop perdu la main. Ça nous a pris près d’une heure à nous ancrer dans Shitten Bay, nos deux premières tentatives se sont avérées infructueuses, l’ancre n’accrochait pas au fond. Ça a fini par fonctionner, on était très proche d’une bouée réservée pour les bateaux de plongée, mais on ne voulait pas bouger, on avait eu tellement de difficulté! On espérait que personne n’allait venir s’accrocher à ce mouillage pendant la soirée. Shitten Bay est une baie sauvage entourée de falaises, où trône au milieu l’épave d’un voilier en décomposition. (Toujours un peu désolant à voir…) Et pour l’anecdote, même si on était dans un trou perdu, il y avait bien du réseau internet cette fois.


Quand on est arrivés, les gars étaient déjà en maillot de bain et dès qu’on a terminé de s’ancrer, ils se sont tout de suite mis à l’eau pour aller explorer les alentours du bateau avec leur masque et tuba. Daniel en a profité pour gratter la coque qui était recouverte d’algues et de coquillages. J’ai également sauté dans l’eau pour aller me rafraîchir avec les gars. L’ancrage n’était pas tout à fait tranquille mais au moins on a tous pu prendre une douche après la baignade. Lorsque vous êtes limité dans la quantité d’eau que vous pouvez utiliser, chaque douche est précieuse et devient un réel bonheur… Le soir, Ulysse et Achille ont sorti leur canne à pêche. Ils ont attrapé encore une fois plein de carangues, qu’on a aussitôt remis a l’eau puisqu’on ne peut pas les manger. On en a attrapé une immense, une carangue à gros yeux qu’on n’avait jamais vu avant. On a espéré un moment qu’il s’agissait d’une autre sorte de poisson, mais en vérifiant dans la liste illustrée des poissons dangereux à la consommation, on a bien reconnu l’espèce qui se trouvait au bout de la ligne à pêche. Un jour peut-être on attrapera notre souper…


On avait prévu rester à Saint-Kitts jusqu’en après-midi le lendemain avant de se diriger vers la Guadeloupe. On avait calculé nos 15h de navigation pour ne pas arriver de nuit. Finalement, après la baignade matinale des enfants et lorsqu’ils ont eu perdus tous leurs leurres pour la pêche, on s’est rapidement ennuyé et on a décidé de partir plus tôt, quitte à ralentir pendant la nuit pour arriver uniquement au matin. À 10h, on est partis. 


On met notre traîne à l’eau pendant qu’on navigue, toujours dans l’espoir de se pêcher un repas. Quand ça mord la première fois, Daniel se met à la cape pour ralentir le bateau et nous aider à remonter notre prise qui se débat fort. Résultat, notre ligne s’emmêle dans le gouvernail. On essaie différentes manœuvres pour libérer le fil, sans succès, la ligne reste coincée. À contrecœur, on se résigne à couper la ligne. C’est ainsi qu’on perd notre premier leurre.


On refait la ligne avec un autre hameçon, accompagné d’une grosse cuillère en guise de leurre. Des algues se prennent souvent dedans et on la remonte de temps en temps pour nettoyer l’hameçon. Les gars sont responsables de vérifier si on a attrapé quelque chose. Lorsque le vent augmente considérablement, on décide de monter la traîne pour ne pas avoir à la gérer pendant qu’on est occupés par les manœuvres qui requièrent toute notre attention. Cette fois, il n’y a plus rien au bout du fil… La ligne a été croquée et le fil (pas du petit fil à pêche, on parle de plusieurs mm de diamètre) pend tout seul, sans leurre ni hameçon au bout. On ne sait pas ce que c’était, mais chose certaine c’était du gros! Ainsi a-t-on perdu notre deuxième leurre. Décidément, on n’est pas doués pour la pêche! 


Mais on avait d’autres soucis que les poissons à ce moment-là, car le vent continuait sans cesse d’augmenter, sans parler qu’il ne venait pas de l’est tel que prévu, mais bien du sud-est. On l’avait donc directement dans le nez. On tirait des bords à 30 degrés, mais on n’arrivait pas à avoir un cap vers où on voulait aller. Pour ne pas avoir à naviguer toute la nuit dans ces conditions, on opte d’abord pour faire un arrêt à Montserrat qui se trouve sur notre route. On arrivera à la noirceur, mais on y serait dans 5-6 heures et on serait à l’abri pour la nuit. On a décidé de continuer. Dès qu’on passerait la pointe de l’île, on serait probablement protégés du vent. Encore fallait-il s’y rendre. Normalement, au coucher du soleil, il y a toujours une certaine accalmie, le vent diminue le temps de laisser le soleil disparaître à l’horizon. Cette fois, le vent a plutôt décidé de forcir… on avait du vent constant de 28-30 noeuds. La mer était agitée et on cognait dans des vagues de 3-4 mètres. Je n’ai pas fait à souper ce soir là. Après avoir traversé un coup de vent particulièrement fort, Daniel me demande de vérifier l’anémomètre pour connaître la force maximale de rafales qu’on a reçu : 60 noeuds. Ouch! Ça n’a probablement duré qu’un court instant, mais tout de même ça faisait peur. On était dans des conditions de tempête qu’aucune application météo n’avait annoncée. Même si on avait connu d’autres navigations corsées depuis notre départ, là ça dépassait tout ce qu’on avait vécu. Vent fort, mer forte, direction à 30 degrés qui augmente la difficulté et encore on ne se rend même pas où on veut, on va devoir tirer des bords pendant plusieurs heures encore. Il reste selon nos estimations au moins 1h30 avant d’être (possiblement) à l’abri derrière l’île de Montserrat. La pointe à 60 noeuds nous a fait peur (on serait dans des conditions dangereuses si le vent se maintenait là) et on est tannés de se battre contre les éléments. On prend quoi comme décision? Après avoir vu l'anémomètre redescendre autour de 22-25 noeuds, je propose à Daniel d'attendre un peu pour voir si ça s'améliore. Deux minutes plus tard, voyant le vent remonter en flèche à 30-35 noeuds, clairement ça ne va pas se calmer. On décide de prendre la fuite. On fait demi-tour. On se dirige vers l'île de Nevis derrière nous. Une décision difficile, mais qu’on aurait dû prendre bien avant. Bien sûr on aurait pu foncer et continuer, on maîtrisait bien le bateau, on n’était pas en danger, mais parfois il faut se résigner et accepter qu’on n’est pas maître des éléments. Il faut aussi parfois être sage et ne pas attendre d’être en danger avant de virer de bord. On voyait que les enfants n’étaient pas à l’aise, ils ont rarement peur en navigation, mais là ils se tenaient vraiment tranquilles dans le cockpit. Ulysse a même demandé à aller se coucher plus tôt pour faire passer le mauvais temps. Je pense qu’on a pris la bonne décision.


Dès qu’on s’est retrouvés vent 3/4 arrière en direction de Nevis, notre allure a complètement changé. C’est devenu beaucoup plus calme tout à coup, ce qui a apaisé tout le monde. Surfer sur les vagues plutôt que de les prendre de front, c’est plus confortable. Le vent était toujours aussi fort à 28-35 noeuds, mais on allait maintenant avec lui, pas contre lui. C’était plus paisible, mais ce n’était pas gagné non plus. Daniel a dû prendre la barre pour naviguer dans les vagues, chose que notre pilote automatique ne peut pas faire. J’aurais voulu le relayer, mais je ne me sentais pas du tout confiante de diriger le bateau dans ces conditions. Dès que nous avons dépassé la pointe de l’île de Nevis, les vagues se sont calmées. Ça a fait du bien! Dans la baie de Charlestown, ce n’était pas évident de savoir où s’ancrer dans le noir. Comme on ne voyait pas grand chose, on a abaissé le dodger pour avoir une meilleure visibilité. Il faisait froid avec le vent qui s’engouffrait dans le cockpit, j’ai dû enfilé un coton ouaté, le première fois depuis la Floride. Il devait y avoir des moorings, mais on ne les a pas trouvé dans la baie. On a vu quelques bateaux ancrés on a donc décidé d’aller jeter l’ancre un peu derrière eux. On était loin de la rive, mais on était sûrs au moins qu’on n’allait pas foncer dans personne. Pour faire changement de la veille, l’ancre a tenu du premier coup. Heureusement parce qu’on était vraiment épuisés! On ne se voyait pas tournoyer une heure dans la baie dans le noir à la recherche du bon endroit pour s’ancrer… 


Une fois arrivés, on est trop sur l’adrénaline pour aller dormir. Comme on n’a pas vraiment mangé, je nous prépare une soupe ramen, tout ce qu’il y a de plus réconfortant après une soirée comme celle-là. 12h de navigation plus tard, on a en réalité avancé d’environ 2-3h vers notre destination de la Guadeloupe… Sur cette pensée, nous sommes allés nous coucher et nous avons dormi d’une traite jusqu’au petit matin. Et pour la première fois depuis 5 jours, ça ne roulait pas!

 

La petite île de Nevis dans la grisaille du matin
 

Nevis était un arrêt qu’on n’avait pas prévu, mais comme on y était et que le vent était encore fort, on a décidé d’y passer la journée. Les formalités à la douane ont été longues et fastidieuses… 4 bureaux à visiter, l’un après l’autre. Il était près de midi quand Daniel est rentré. On ne s’est pas fait priés pour aller se changer les idées à terre. C’est un dimanche et pratiquement tout est fermé dans la petite ville presque déserte. Il faut quand même faire attention aux (rares) automobiles qui passent car on roule à gauche ici et on n’est vraiment pas habitués! On tombe sur un petit supermarché et on décide de faire un arrêt pour se racheter quelques produits frais. L’épicerie est très bien garnie pour une petite île (rien à voir avec les Bahamas…) et à des prix très raisonnables. Comme il s’agit d’une ancienne colonie britannique, on y retrouve plusieurs produits de chez nous et d’autres qu’on n’avait pas trouvé ailleurs depuis un bon bout de temps. On a notamment mis la main sur un sac de farine de seigle (pour le levain de Daniel) et une bouteille de sauce forte Red Hot (la préférée des garçons). Finalement on est ressorti avec un gros sac de provisions! Daniel a rapporté tout ça au bateau pendant que j’ai amené les enfants courir au terrain de baseball juste en face, où ils s’en sont donnés à cœur joie pour bouger dans tous les sens.


Avant de rentrer au bateau, on fait un court arrêt au bar situé à côté du quai, le seul établissement ouvert. Il fait bien se plonger dans l’ambiance locale! Notre passage à Nevis en ce jour dominical très tranquille n’est probablement pas très représentatif de l’île, mais on était content d’y avoir fait escale et d’avoir découvert ce petit bout de terre.


Pour parfaire vos notions de géographie, Saint-Kitts et Nevis forment un même pays, indépendant depuis 1983 seulement. Il s’agit du plus petit pays en Amérique!


Saba, Statia, St-Kitts et Nevis. Vous n’aviez probablement jamais entendu parler auparavant de ces 4 petites îles de l’arc antillais. Le tourisme y est bien entendu la principale activité économique, mais elles semblent être restées intactes. Peut-être est-ce dû à la vie paisible qu’on y trouve, loin de l’effervescence des destinations populaires avec leurs hôtels et condos luxueux. Ce n’étaient pas les îles les plus extraordinaires qu’on a visité, mais on y a trouvé un petit quelque chose qui nous plaisait bien dans cette vie insulaire un peu isolée. Comme un petit voyage hors du temps.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Un rêve

Larguer les amarres… et revenir

C’est un départ