En mode solution
Le lendemain matin de notre arrivée tumultueuse à Cape Cod, on s’est réveillés dans un meilleur esprit. Déjà la taille de ma cheville avait diminué de moitié, ça augurait bien. On a pris les choses une à la fois, à commencer par la plus urgente : dédouaner. Daniel avait fait la plupart des démarches pour entrer aux US à l’avance, il ne nous restait plus que le formulaire d’arrivée à remplir en ligne. Une fois cette étape complétée, il fallait attendre d’être contactés pour une entrevue vidéo. Finalement notre demande a été acceptée tout de suite, sans entretien. Il faut croire qu’une petite famille qui arrive en voilier ne posait pas une grande menace pour la sécurité nationale.
Deuxième priorité : l’énergie. Nos batteries étaient vraiment basses, nous n’avions plus de moteur pour recharger et nos panneaux solaires ne seraient pas suffisants, surtout que le soleil tardait à montrer le bout de son nez. Ça faisait un moment que Daniel pensait à acheter une génératrice pour nous donner une source d’énergie de secours. L’heure était donc venue de se la procurer. Mais on n’avait aucune idée où on pouvait en trouver une dans les environs.
Entre-temps, le maître du port était venu cogner à notre coque pour nous signaler qu’on ne pouvait rester au quai où la garde côtière nous avait laissés. Il s’offre de nous remorquer pour qu’on s’ancre dans la baie. Ce que nous faisons dès que nos formalités d’entrée sont complétées. En parlant de notre situation au maître de port, il nous indique tout de suite un magasin à Provincetown où on pourra se procurer une génératrice. Il nous offre même de nous prêter la sienne pour un jour ou deux, mais on sait désormais que c’est une nécessité et qu’on ne peut plus retarder son achat désormais. On craint que le prix soit exorbitant dans cette ville ultra touristique, mais finalement, ce n’est pas plus dispendieux que ce qu’on a vu ailleurs. Deuxième problème résolu.
On a trouvé une épicerie en ville et une buanderie pour faire notre lavage. Notre subsistance était assurée. On craignait un peu de manquer d’eau, on savait qu’on avait une réserve pour au moins une autre semaine, voire deux, mais on faisait quand même très attention à notre consommation. Le maître du port nous a une fois de plus dépanné en nous apportant deux 20L d’eau qu’on a déversé dans nos réservoirs.
La douche était un autre problème. Pendant notre traversée vers Cape Cod, une vague m’avait fait tomber à la renverse dans la salle de bain et en essayant de me retenir quelque part, j’ai arraché le tuyau de la douche. C’était impossible de le revisser, l’embout était cassé. Au moment où on en avait le plus besoin, elle était hors d’usage. C’était bien le pied! Ne pouvant trouver ce qu’il faut pour remplacer le robinet, Daniel a finalement recollé le tuyau avec de la colle chaude. L’eau coule encore un peu, mais la réparation de fortune permet à toute la famille de prendre une vraie douche après une semaine. Ça a vraiment ferait du bien!
Restait la question cruciale du moteur. Depuis la Nouvelle-Écosse, Daniel avait contacté une compagnie établie en Virginie qui avait des pièces pour notre moteur. On avait aussi demandé une soumission pour un moteur neuf, mais le prix étant très élevé, on se disait qu’on allait juste changer certaines pièces clés. On pensait donc descendre assez rapidement la côte américaine pour aller faire les réparations à Norfolk. Le destin en avait décidé autrement… Après notre troisième remorquage de la saison, on avait une écoeurantite aiguë de notre moteur… Daniel ne voulait plus passer son temps dans la cale à faire des réparations. On n’était plus à l’étape de faire reconditionner le moteur, vraisemblablement il avait fait son temps. Malgré le montant, on s’est décidé à acheter un moteur neuf. Fini les tracas, on allait pouvoir poursuivre notre voyage sans s’arrêter en panne toutes les deux semaines.
Il fallait tout de même trouver comment se rendre en Virginie pour récupérer ce nouveau moteur, ou comment le faire venir jusqu’à nous et où faire l’installation. Lorsque nous avons raconté nos problèmes de moteur à notre ami Bruce du voilier Lana, il s’est spontanément offert pour nous remorquer jusqu’à Norfolk. En fait nous avions juste besoin de nous faire tirer hors de la baie, on pouvait continuer à voile par la suite et nous rendre en ligne droite jusqu’en Virginie. Bruce quittait Shelburne le samedi matin et devait arriver à Cape Cod lundi soir, on attendait donc sa venue pour voir comment on pouvait organiser le remorquage. Se rendre à Norfolk, ça représente quand même 3 jours et demi de navigation en ligne. On a donc passé les prochains jours en attente, mais en profitant de l’occasion pour visiter la ville (en me traînant comme je pouvais avec ma cheville encore douloureuse), aller à la plage et relaxer un peu après toutes les émotions des derniers jours.
Lundi soir, personne n’était plus attendu que Bruce. Les voiliers Gypsy Blue et Senecio, partis en même temps que lui, étaient déjà arrivés plus tôt dans la journée. On était tous surexcités quand on a vu son voilier Lana entrer dans la baie. On l’a invité à bord pour manger une bonne pizza maison (pardon, une pizza bateau). Fatigué par le voyage, il semble moins enthousiaste pour le remorquage, mais il est résolu à nous aider. Il nous conseille de prendre une assurance pour le remorquage avec Boat US, car la garde côtière n’est pas présente partout et oui la facture peut être salée dans ces cas-là. Pour 215$ par année, et avec toutes nos péripéties depuis notre départ, on s’est dit que c’était un très bon investissement et assurément quelque chose à avoir avec l’état actuel de notre moteur.
Le lendemain, première nouvelle, on apprend qu’on ne peut pas passer le canal de Cape Cod sans avoir un moteur. Bon, il faudra faire le détour par la mer, ce qui représente tout de même 5h de plus. Mais sur un voyage de plusieurs jours, ce n’est quand même pas grand chose. Daniel et Bruce s’installent avec Derrick du Gypsy Blue pour regarder la météo des prochains jours et voir quand il pourrait nous remorquer hors de la baie. On pourrait continuer de notre côté et se faire remorquer par Boat US dans une marina en arrivant à Norfolk. Ça c’était le scénario idéal. Alors que tout s’arrangeait pour un départ le jeudi, tout a basculé par un coup d’œil aux prévisions météo qui venaient de changer : en plus d’un trou de vent le vendredi, on risquait de se retrouver le dimanche avec 40 nœuds de vent en arrivant à Norfolk. A cette période de l’année où le temps est très changeant, avec le risque des ouragans en plus, on savait que ça allait être difficile de trouver une fenêtre météo de 4 jours pour nous rendre sans soucis à destination. Après avoir bien rêvé, cette solution semblait finalement trop risquée.
Changement de plan. Daniel passe une bonne partie de la journée de mercredi à trouver une marina dans les environs où on pourrait se mettre à quai et avoir accès à une grue pour sortir le vieux moteur et descendre le nouveau à sa place. Après un avant-midi de recherches, il apparaît que tout est soit trop cher, soit il n’y a pas de place, et souvent les deux en même temps. À Provincetown, le prix d’une nuit à quai est de 280$… À Northside, où l’on souhaitait se rendre au départ, la marina refuse que Daniel fasse sa propre mécanique, il doit embaucher leur mécanicien pour le faire. (Heureusement qu’on n’a pas atterri là en arrivant…)
Ce mercredi en fin d’après-midi, nous étions bien découragés Daniel et moi, assis sur la plage à Provincetown pendant que les enfants jouaient dans le sable. La venue de deux grands hérons, venus se percher sur la jetée, nous réconforte quelque peu. C’est tout de même le cœur lourd que nous sommes rentrés au bateau, dans le vent et les vagues. La solution n’était pas encore là.
En poursuivant ses recherches pour nous trouver une place à quai, Daniel découvre la marina de Wellfleet, située un peu plus au sud que Provincetown. Ça a l’air petit, on ne sait pas si c’est assez profond pour notre bateau ou s’ils ont un quai pour les voiliers visiteurs. Un coup de fil nous permet d’avoir toutes les informations nécessaires : oui c’est assez profond (on est mieux d’arriver à marée haute par contre) et ils ont un quai de disponible pour nous. Il y a de l’eau au quai, mais pas d’électricité (sauf qu’on a notre génératrice maintenant, alors ce n’est pas un problème.) Lorsqu’on nous dit le prix, 42$, Daniel étonné dit : par jour? (Ce n’est vraiment pas dispendieux…) Et on lui répond : non, par semaine. On en reste estomaqués!!! Est-ce qu’on serait tombé sur la place de rêve pour être à quai, faire les réparations, sans que ça nous coûte un bras? Déjà que le moteur nous en coûte un…
Le jeudi matin, autre coup dur pour le moral, nos amis des voiliers Lana, Sinecio et Gypsy Blue quittent leur ancrage de Provincetown pour continuer leur route vers le sud. On se sent bien seuls tout à coup et on aurait aimé partir avec eux. Heureusement tout se met en place pour nous diriger vers Wellfleet. On organise un remorquage avec Boat US pour le vendredi matin. Comme on ne sait pas trop ce qu’on aura comme services là-bas, on fait notre lavage et une grosse épicerie. On a hâte de bouger, même si ce n’est pas par nos propres moyens.
Sûrement est-ce dû aux circonstances tumultueuses qui ont marqué notre arrivée;
Peut-être aussi était-ce le contraste saisissant d’une ville hautement touristique après les paysages naturels de la Nouvelle-Écosse;
Peut-être enfin était-ce dû à la situation de notre ancrage, loin de la rive, exposé au vent et aux vagues du large, qui rendait le bateau vraiment inconfortables et nos voyages à terre parfois… mouillés;
Pour toutes ces raisons, et probablement parce que notre moral n’était pas à son meilleur, je ne peux pas dire que j’ai apprécié Provincetown. Espérons que je pourrai y revenir un jour dans de meilleures circonstances.
Le vendredi matin, on se met en branle. On s’accroche en douceur au remorqueur (rien à voir avec les manœuvres avec la garde côtière par 20 noeuds de vent!) et on se dirige lentement vers Wellfleet pour arriver à marée haute. Il reste encore beaucoup d’inconnu devant nous, mais après une semaine de sur place, on a au moins le sentiment d’avancer.
Nos meilleures pensées pour vous ,que votre rêve se réalise ,notre cœur est avec vous , bon vent pour continuer ce merveilleux voyage ,bises à tous les quatre
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