Sint Maarten/Saint-Martin

 

Après 5 jours en mer pour atteindre Porto Rico, une petite traversée de 24h pour se rendre à Saint-Martin, ce n’est rien du tout. On se prépare tranquillement, sans être pressés, on prend le temps de déjeuner et de terminer de préparer le bateau. On quitte Culebra vers 9h, juste à temps pour l’école qui recommence en ce lundi matin, après un long congé d’un mois. On n’est plus habitués aux travaux dans le bateau et on a rapidement mal au cœur. Après la première heure de français, on sort dans le cockpit pour faire les mathématiques au grand air. 

On passe au large de l’archipel des Îles Vierges américaines, puis des Îles Vierges britanniques. On ne sait pas pourquoi, on s’imaginait des îles plates, un peu comme les Bahamas, mais on découvre plutôt des paysages montagneux et verdoyants, comme Culebra. Ces îles sont une destination privilégiée des gros navires de croisière, il y a donc beaucoup de trafic maritime tout au long de la journée, ce qui demande une vigilance constante. Le trafic se poursuivra aussi toute la nuit, mais heureusement les paquebots, tout illuminés, sont visibles de loin. En contraste avec la chaleur des jours précédents, la nuit est fraîche. On pourrait fermer l’abri du cockpit, mais la brise fait du bien et on choisit plutôt de mettre nos manteaux.

On est arrivés au petit matin après une nuit de navigation sans histoire. Voir la terre se profiler devant nous au lever du soleil est toujours un petit bonheur en soi. On s’ancre une première fois à l’extérieur dans Simpson Bay, du côté Hollandais de l’île, et Daniel part en annexe en direction de la douane, située juste à côté du pont qui nous permettra d’entrer dans le lagon. On s’attable à l’école en attendant son retour… mais on aura fini bien avant que les formalités soient complétées. Daniel revient peinard après avoir rencontré le plus gros air bête de sa vie. Il manque un papier pour pouvoir entrer car nous ne sommes pas allés signifier notre sortie lorsque nous avons quitté Culebra. Daniel doit faire une série de démarches pour qu’on nous envoie par courriel le fameux papier. Après quoi, il retourne affronter le bouledogue des douanes… (c’est une réalité à laquelle il faudra s’habituer.) On recevra enfin notre étampe dans notre passeport et Daniel revient au bateau juste à temps pour lever l’ancre pour passer le pont à l’ouverture de 14h. (Il ouvre 3 fois par jour… on ne voulait pas le manquer!) Le pont-levis est extrêmement étroit, ça fait presque peur d’aller se taper dans les poteaux. On entre dans le lagon de Simpson Bay en suivant une file indienne de gros yachts et de catamarans. Ici, dans le lagon, se côtoient une faune impressionnante de bateaux, des plus petits aux plus gros, des coques de noix aux yachts de l’année.

On savait qu’on allait rester quelques temps à Saint-Martin. On avait besoin de travailler un peu pour remplir les coffres après l’achat du nouveau moteur qui avait créé un gros trou dans notre budget de l’année. On voulait aussi profiter du coût de la vie plus abordable que dans les autres îles des Antilles. On se sentait beaucoup moins pressé, puisque nous étions enfin arrivés à notre but : Les Caraïbes.

On a passé notre première semaine à la marina Island Water World, où Daniel en a profité pour faire des contacts en offrant ses services en électronique nautique. C’est là pour la première fois qu’on s’est mis à quai de reculons, une manœuvre assez difficile avec un bateau comme le nôtre. Heureusement qu’on a eu de l’aide de la marina car il faut à la fois s’amarrer au quai à l’arrière et à l’avant sur une bouée flottante. C’est comme faire un stationnement en parallèle, mais entre deux voiliers, le tout dans un espace extrêmement serré. Et pour ne rien aider, bien entendu il ventait 25 noeuds… Bref on a bien galéré, on allait avoir de l’expérience à prendre car c’est comme ça partout dans les marinas du Sud. 

On a passé nos premières journées à explorer à pied les environs de notre nouveau quartier, à Cole Bay. J’avais un peu l’impression de retrouver le Sénégal, avec ses rues et sa circulation chaotique, ses supérettes à tous les coins de rue, ses marchands de fruits sur le bord de la rue. J’ai aimé cette ambiance décontractée, même si en tant que piétons, ça ne rendait pas nos marches toujours évidentes. Daniel a amené les garçons à la fameuse plage de Baie Maho pour se faire « jetblaster ». Cette plage a la particularité d’être située juste à côté de l’aéroport et le plaisir est alors de se faire souffler par les réacteurs des avions qui décollent tout près. Ils ont adoré!

On est aussi allé du côté français en minibus, transport en commun assez efficace d’environ 10 places qui vous ramasse sur le bord de la rue lorsque vous lui faites signe. Il y en a aux 5 minutes! Très pratique. C’est assez spécial cette cohabitation des deux pays sur une même petite île. Il y a des similitudes d’un côté à l’autre, mais ils demeurent assez différents, à commencer par la langue. 

Vue sur la baie de Marigot depuis Fort Louis

Nos premiers temps à Saint-Martin ont été un moment d’adaptation à notre nouvelle réalité caribéenne. La chaleur étant probablement ici l’élément le plus important. Après avoir eu froid jusqu’au 15 décembre, la canicule nous est tombée dessus d’un seul coup en arrivant à Fort Lauderdale. Même s’il faisait déjà chaud dans les Bahamas et à Porto Rico, c’est vraiment ici qu’on a senti son effet. Il faut dire qu’on n’avait plus la plage à côté pour nous rafraîchir à tout moment de la journée. La chaleur à Saint-Martin nous abrutissait carrément. On aurait passé nos après-midis à faire la sieste pendant que le soleil était à son zénith. Mais on avait deux petits mousses qui n’avaient pas du tout envie de dormir pendant la journée! C’était aussi parfois difficile de trouver des activités à faire avec les enfants pendant le jour, à cause du soleil, mais aussi parce que les possibilités étaient peu nombreuses. C’est à ce moment qu’on réalise à quel point on est chanceux au Québec d’avoir les infrastructures qu’on a. Ici, pas de parc municipal, de terrain de jeux, pas de bibliothèque, même pas d’aire de pique-nique ou de promenade aménagée. Il restait la plage, mais elles étaient un peu éloignées et demeuraient une sortie de fin de semaine. On s’habitue aussi aux averses quotidiennes qui surviennent toujours de manière imprévue, mais jamais très longtemps, parfois plusieurs fois par jour. C’est donc toujours la danse d’ouvrir et de fermer les écoutilles, au rythme de la pluie qui passe. Et il ne faut pas oublier de tout fermer avant de quitter le bateau, même s’il fera très chaud à notre retour, car on risque de se retrouver avec un intérieur trempé! Arriver dans un nouveau pays, surtout dans une autre région du monde, c’est aussi adopter de nouvelles habitudes alimentaires. Les hots dogs qu’on aimait se préparer de temps à autre, option simple, rapide et économique, devenaient ici un repas dispendieux. Même chose pour les tacos, la salsa et les tortillas étant des denrées assez rares. Par contre, les ailes de poulet et côtes levées étaient très abordables, on en a donc bien profité! 

On fait la rencontre de nouveaux amis, dont Virginie et son fils Edendjah qui a presque 6 ans. Ils habitent dans le lagon, sur un Catamaran qu’elle a rescapé après l’ouragan Irma et qu’elle a transformé en maisonnette sur l’eau. D’ailleurs partout sur l’île on voit encore les ravages de cet ouragan qui a dévasté Saint-Martin en 2017. On découvre aussi que plusieurs résidents de l’île habitent sur un voilier de façon permanente, une solution économique pour faire face à la crise du logement et au coût exorbitant des loyers. 

Virginie nous invite chez elle un samedi après-midi, les gars étaient tellement contents de jouer aux legos et au playmobils! (Jouets aux petites pièces qu’on n’avait pas apportés sur le bateau…) Elle nous prépare des bananes plantains, qu’elle a tout simplement coupées en tranches et cuites dans la poêle de chaque côté. Un vrai régal! Ça deviendra une autre de nos habitudes sous les tropiques. À la collation, on a troqué nos traditionnelles chips (hors de prix à Saint-Martin et en plus elles ne sont pas bonnes) pour des frites de bananes plantains. Virginie deviendra notre guide à Saint-Martin. Elle nous invite les mardis soir à venir faire de la planche à roulette au Skate Park du côté hollandais. Des parents se sont organisés pour offrir cette activité aux jeunes des environs, ils prêtent des planches gratuitement et installent des rampes pour tous les niveaux. Il y a des enfants de tous les âges, des petits de 2 ans avec leur trottinette jusqu’aux grand ados qui font des acrobaties. C’est un peu la cacophonie, mais tout le monde y trouve son compte! Incertains au début, Ulysse et Achille, bien accompagnés par Edendjah, ont rapidement gagné en confiance sur leur planche. Ils ont adoré! On y est retourné presque chaque semaine pendant notre séjour à Saint-Martin. Elle nous a également fait connaître les 4 à 6 au Buccaneer les vendredi soir, rendez-vous hebdomadaire des familles à voile avec des enfants. On est même allé voir Edendjah à sa pratique de baseball et l’entraîneur a invité Ulysse et Achille à se joindre au groupe. Sans Virginie, notre séjour à Saint-Martin aurait sans doute été un peu fade…

La première fin de semaine de notre arrivée, Daniel nous amène en randonnée sur un sentier qui traverse plusieurs sommets de l’île. Le plus dur a probablement été les 35 premières minutes à marcher en ville dans les rues en pente au gros soleil qui tape… une fois dans la montagne, la végétation au moins nous offrait un peu d’ombre. La montée, pas trop ardue, était quand même assez longue. La randonnée s’est corsée un peu avant d’arriver au dernier sommet. Le sentier n’était plus clairement défini et on trouvait notre chemin comme on pouvait à travers la forêt et les rochers. Les chèvres en liberté dans la montagne nous regardaient suer et devaient bien se moquer de nous, elles qui allaient et venaient à leur guise dans ces pics pointus, comme si de rien était. Il fallait faire attention où on mettait les mains en grimpant car il y avait du caca de chèvres partout! La grande déception en arrivant enfin au 4e et dernier sommet, c’est qu’on n’y avait pas accès. Une entreprise avait construit une plateforme pour offrir des descentes en tyrolienne aux touristes qui arrivaient en remonte-pente de l’autre côté de la montagne. Tout était clôturé et on ne pouvait pas monter pour accéder à la plateforme. Il y avait un bar à l’intérieur, on avait tous très soif car on avait fait l’erreur de ne pas apporter assez d’eau avec nous. On serait avec joie allé leur acheter une consommation! Mais non, ils n’ont pas pensé qu’accueillir des randonneurs, même s’ils n’ont pas payé leur montée en téléphérique, pourrait être rentable. Ils ont préféré accaparer le sommet pour eux seuls.

 

On n'a pas eu la vue depuis le sommet, mais celle-ci de la capitale Philipsburg en cours de route en valait bien la peine.

Il n’y avait donc ni point de vue, ni d’endroit où prendre notre pique-nique puisque les alentours de la plateforme étaient devenus une vraie poubelle… On s’est trouvé un endroit pour manger un peu plus bas. Avant de croquer nos sandwiches, on n’a pas eu d’autres choix que d’utiliser un peu de l’eau qui nous restait pour nous laver les mains, devenues brunâtres à force de grimper dans les rochers. On a laissé les dernières gorgées d’eau aux garçons, si bien qu’on n’avait plus rien à boire pour le trajet du retour. On a eu bien du mal à retrouver notre chemin pour redescendre mais on s’est finalement faufilé à travers la végétation pour rejoindre le sentier. Une fois revenus en ville, on n’avait qu’une seule idée en tête, s’arrêter dans la première supérette sur notre passage pour prendre quelque chose à boire. Comme c’était dimanche, plusieurs étaient fermées. Nous étions presque de retour à la marina lorsque nous avons pu aller nous acheter une grande bouteille d’eau que l’on a presque vidé d’un trait. En tout, nous avons été partis 5h, une grande marche pour les petites jambes avec nous! 

Le trajet de notre randonnée sur les cimes de Saint-Martin
 

Daniel a eu ses premiers petits boulots avant qu’on quitte la marina. Son nom avait commencé à circuler et ça portait fruit. On est allés s’installer à l’ancre par la suite, ce qui a été une nouvelle phase d’adaptation, surtout pour la gestion de l’eau et de l’énergie. Depuis notre départ des États-Unis, nous devons payer l’eau que l’on consomme. On fait donc très attention au gaspillage. Mais il n’est pas non plus facile d’aller se ravitailler en eau, car il n’y a qu’un seul quai de service où on peut faire le plein de nos réservoirs. Avec la chaleur intense, notre frigo a beaucoup de difficulté à rester froid, ce qui décharge rapidement nos batteries. On doit acheter des sacs de glace pour aider à le refroidir. Autre chose à laquelle on n’avait pas pensé : internet s’avère très énergivore. Tant que nous étions aux États-Unis, on pouvait utiliser internet avec notre forfait de téléphone, ce qui ne consommait presque rien pour les recharger. Maintenant qu’on utilisait Starlink, on ne pouvait pas le laisser toujours ouvert et il fallait choisir nos moments où on se connectait à internet. Nos panneaux solaires ne suffisaient pas à nos besoins énergétiques et on doit partir le moteur un peu chaque jour pour les recharger. Comme on n’a plus directement accès à la terre, on prend un rythme où on reste au bateau le matin pour faire l’école et où on prend l’annexe l’après-midi pour aller à terre se dégourdir les jambes. On prend aussi l’habitude de se promener en dinghy à travers le lagon. Même si on avance très lentement avec notre petit moteur de 2,5 HP, ça reste quand même plus rapide que faire le tour à pied. Puis il y a moins de trafic et c’est moins chaud! Par contre, parfois on se fait bien arroser!

Un autre gros iguane qui prend la pose. Mais attention à sa queue! Il paraît que ça peut être susceptible.
 

Après 3 semaines à Saint-Martin, on fait une première tentative pour continuer notre descente des Antilles. On se rend tout d’abord à Saint-Barthelemy (Saint-Barth pour les intimes), une île française toute proche. (Qui fera l’objet d’un billet de blogue à part!) Deux jours plus tard, Daniel se fait appeler par son ancien patron lorsqu’il travaillait à Saint-Martin en 2013. Il a un projet pour lui, pour réparer un moteur qui ne démarre plus. On décide de retourner à Saint-Martin pour ce petit boulot, ce revenu supplémentaire étant le bienvenu. On prend quand même le temps de bien profiter de notre séjour à Saint-Barth!

Ce qui devait prendre quelques jours s’est finalement avéré un projet beaucoup plus gros que prévu. Daniel a réussi à trouver le problème (comme d’habitude!) mais il fallait chercher et commander les pièces à remplacer, ce qui s’est avéré long et parfois ardu. Deux semaines plus tard, le travail n’est toujours pas terminé. On décide de partir en attendant que les pièces arrivent. On n’en peut plus d’être coincés à Saint-Martin, il est temps qu’on poursuive notre voyage. La saga de notre moteur nous suit encore comme un spectre. Cette fois se sont les impératifs financiers qui nous rappellent qu’on ne fait pas tout à fait le voyage qu’on espérait. Bon, c’est aussi ça l’aventure…

Avant de sombrer dans la déprime, vite il faut se remettre à naviguer!

Évidemment, il y aurait bien d’autres choses à raconter sur notre séjour à Saint-Martin. Notre contravention de la garde côtière pour s’être promené le soir sans lumière sur notre annexe, le SEUL soir où on avait oublié de prendre une lampe de poche avec nous, le sauvetage du napperon qui s’est envolé, que Daniel est allé récupérer avec le dinghy, les sorties à la plage, les vagues de Simpson Bay, les crèmes glacées à la rotonde…    On y a passé du très bon temps, mais c’est sans regret qu’on quitte définitivement Saint-Martin, jusqu’à ce qu’on y repasse sur le chemin du retour.

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